Thierry Brassac est directeur du Service Culture Scientifique de l’Université de Montpellier. Suite à une thèse de biologie cellulaire obtenue en 2000, ce « grenouillologue » saute sur le nénuphar de la médiation scientifique. Il travaille depuis à la création d’événements de culture scientifique (Bar des Sciences, Faites de la science, cycle de conférences). Il assure également un volet formation pour des étudiants scientifiques (master, thèse) en communication scientifique et muséologie des sciences. Il est aujourd’hui à l’initiative du webdocumentaire Atome Hôtel.
Comment t’es venue cette idée de webdoc ?
En 2010, nous planchions sur l’année internationale de la biodiversité. Nous avions demandé aux chercheurs d’adopter une peluche dans le cadre du projet (un peu fou) de la Société française de peluchologie. Il s’agissait d’étudier l’univers des peluches à la manière des naturalistes du XIXème siècle : inventaires, collections, classifications, etc.
L’année suivante fut proclamée année internationale de la chimie par l’UNESCO. Nous avons recherché ce qui faisait sens pour le grand public et trouvé que l’icône de la chimie était le tableau périodique des éléments (TPE). Il était donc logique que nous dépoussiérions ce monument d’histoire des sciences, véritable condensé de l’histoire de l’humanité.
Ensuite, très vite est venue la nécessité de rendre ces atomes plus accessibles et surtout de leur donner une véritable personnalité. Il était temps de proposer aux chercheurs d’adopter leur « atome préféré ». Puis nous avons demandé à Dmitri Mendeleïev s’il voulait bien devenir la mascotte officielle du projet et s’il acceptait que nous devenions les community managers de sa personne.
Quelle est ta démarche à travers ce projet ?
L’idée est de partir d’un décalage (on transforme un tableau austère avec plein de constantes physiques en un tableau hyperludique avec des personnages un peu foufous et pleins d’humour) et de l’exploiter avec le plus grand sérieux. L’idée est aussi de demander aux chercheurs de parler de façon à ce que Dmitri puisse les comprendre, ce qui impose un effort de vulgarisation. Dmitri ne connaissait pas les électrons, le noyau de l’atome, et la radio-activité venait juste d’être découverte. Parler de chimie à Dmitri impose donc une simplification (et un peu d’humour).
Comment abordes-tu les nouveaux médias et cette manière de travailler avec tant de personnes ?
Ce projet est résolument participatif. En le présentant lors d’événements de culture scientifique, nous avons fait de belles rencontres qui nous ont aidé pour le projet : une traductrice russe, un chercheur qui nous a rapporté un TPE en russe de Moscou, des enseignants hyper-motivés par le projet en France ou à l’international… Les nouveaux médias nous ont apporté tout un tas de « fans » du projet que nous ne connaissions absolument pas ! En fait, je considère les nouveaux médias et les rencontres « face public » complémentaires ; les deux se nourrissent mutuellement. Mais je crois qu’au final, c’est tout de même la « vraie » rencontre qui est l’objet principal du projet. C’est faire en sorte que :
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une communauté diverse et multiforme puisse se rencontrer de visu autour d’un stand d’animation ;
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les rencontres avec les chercheurs soient de beaux moments partagés (et que cela transparaisse dans les documentaires) ;
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toute l’équipe (graphistes, animateurs web, comédiens, musiciens, réalisateur, etc.) ait conscience de produire un projet unique et original.
Comment imagines-tu le futur d’Atome Hôtel ?
Après la première (grosse) étape de mise en ligne des 30 courts-documentaires et de la plateforme d’Atome Hôtel, j’espère que de nombreux partenaires viendront à nous pour imaginer ensemble une phase 2 du projet. J’aimerais que cette phase, en plus de compléter le tableau, puisse être plus collaborative dans le vrai sens du terme. Que nous puissions co-produire du contenu avec des établissements scolaires, d’autres laboratoires, des lieux d’art et des artistes, voire avec des citoyens motivés. Une version anglaise serait aussi à étudier pour pouvoir toucher un public et des collaborateurs de manière plus large.