Fermi et la première pile atomique

On fête aujourd’hui, à 15h25 précises je vous prie, l’anniversaire de la pile atomique du physicien Enrico Fermi. Si le 2 décembre 1942 n’est pas la date de son invention, c’est celle de son premier fonctionnement victorieux.

pile_fermiLa Chicago pile 1

Une pile est un appareil qui transforme l’énergie chimique d’une réaction (chimique donc) en énergie électrique. Une pile atomique transforme, elle, l’énergie des atomes. Ça n’a pas l’air bien dangereux ? C’est aujourd’hui appelé un réacteur nucléaire, et c’est ce qui servit de base à la fabrication de la bombe atomique.

Fermi et compagnie ont expérimentés ce qui sera appelé la Chicago-pile 1 au cœur de cette ville, dans une salle de jeu de raquette abandonnée, sous les gradins d’un stade de foot de l’université. Cette pile fonctionne grâce à l’énergie dégagée par la fission d’atomes. Phénomène lors duquel le noyau d’un atome lourd, un gros noyau qui contient beaucoup de neutrons et de protons, se divise en plusieurs noyaux plus légers en émettant un (ou plusieurs) neutrons et une forte énergie. Energie, le mot magique ! Il s’agissait donc de provoquer cette réaction, en chaîne, et d’en récupérer l’énergie dégagée.

Enrico Fermi pensait avoir trouvé comment fissionner de l’uranium en chaîne. Ce qui dégage une forte chaleur. Pour éviter un échauffement trop important, il faut un « stoppeur de neutrons ». Dans le jargon on appel ça un modérateur. Fermi and co ont utilisé du graphite, un minéral de carbone. Leur pile était donc ainsi constituée : un  « coeur » où une réaction en chaîne de fission d’uranium avait lieu et un dispositif de modération. C’était une grande structure en bois qui supportait une pile de bloc de graphite et des briquettes d’oxyde d’uranium. D’une sorte de balcon, les chercheurs pilotaient la pile. Le système était automatisé, mais ils pouvaient stopper la réaction en faisant glisser dans le cœur des barres de graphite. Une grosse barre de sécurité avait été ajouté ; elle était encordée et suspendue au dessus du puits. En cas de défaillance du système, un physicien armé d’une hache pouvait intervenir. Ouf ! Ils pensent à tout ces scientifiques. Tout, sauf aux écrans de protection. Bon, on leur accorde tout de même quelques jours pour expérimenter en irradiant les riverains.

Stade-FermiLes gradins du stade de football américain, leur planque pour oeuvrer

 L’équipe ainsi préparée, démarre sereinement l’expérience dans la matinée. Georges Weil sorti la barre de contrôle du cœur de la pile, et Fermi calculait à tout allure. Ses calculs montraient que l’activité neutronique croissait, se stabilisait puis, automatiquement, les barres de graphite modéraient l’expérience. Tout se déroulait comme prévu, à merveille ! Car si les barres stoppaient la réaction avant même qu’elle aie vraiment pris de l’ampleur, c’est que nos chercheurs avaient établis, par prudence, un niveau d’alerte trop bas. Loin de s’emballer, Fermi réagit peu : « Allons déjeuner » dit-il. Et l’expérience repris quelques heures plus tard.

Georges Weil sorti de nouveau la barre de contrôle, la fission pouvait (re)commencer. Avec un seuil d’alerte augmenté, on laissa la réaction avancer d’elle-même un peu plus longtemps. Les physiciens suivaient attentivement des yeux la courbe que leur donnait le stylo encreur sur le tambour de papier… Se rongeant les ongles jusqu’au sang, ils découvrirent peu à peu une courbe horizontale, sans palier. Pendant 28 minutes, la réaction en chaîne a bien eu lieu ! Dégageant pas moins de…1/2 Watt. 24000 fois plus et ils auraient pu se faire griller un toast. Mais qu’importe, pour la première fois l’Homme avait libéré de l’énergie des atomes, et « allumer un soleil » diront certains journalistes de l’époque. De quoi éclairer les esprits du siècle à venir…

reacteur_ChicagoLa pile vue du balcon