Sérendipité : Épisode 3 – Les édulcorants

Pour ma petite série sur les histoires de sérendipité scientifique, je ne pouvais pas passer à coté des édulcorants ; car plus d’un a été découvert par hasard et surtout par un non-respect évident des conditions de sécurité !

Les édulcorants sont des additifs alimentaires donnant une saveur sucrée aux aliments. Sous cette même appellation sont regroupées de nombreuses substances chimiques très différentes.

édulcorants

Je n’ai passé que trois ans dans les laboratoires de chimie et pourtant les consignes de notre prof me reviennent inéluctablement comme une rengaine.

Pour ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans un labo voici les bases :

1- On ne met pas de jupe ou de collant dans un labo (les produits corrosifs sur le lycra c’est pas très sympa… sans parler des risques en cas de feu.)

2 – On s’attache les cheveux

Attention on aborde les plus importants…

3 – On porte des gants, on les enlève dès qu’on touche autre chose que sa verrerie et on se lave les mains

4 – On ne se touche pas !  Je m’explique : inconsciemment on passe notre temps à se gratter le visage… Or lorsque l’on porte des gants ayant été en contact avec des produits chimiques ce n’est pas top.

5 – On ne met RIEN à la bouche ! Ni ses doigts, ni son stylo, ni les produits !

Ca vous paraît évident comme ça ? Vous allez voir que ça ne devait pas l’être pour tout le monde…

La saccharine C7H5NO3S Saccharin-2D-skeletal

En 1879, deux chercheurs de l’université américaine Johns-Hopkins, Ira Remsen et Constantin Fahlberg travaillent sur des dérivés de houille. Sauf que ce cher Fahlberg a zappé la consigne numéro 3 ! Et en allant dîner il s’est rendu compte que ses doigts avaient un goût sucré.

Certes, il n’y avait pas de gants de protection à l’époque… Mais le lavage de main a dû être zappé.

Cyclamate C6H12NNaO3S

cyclamate-2D-skeletal

En 1937, Michael Sveda de l’université de l’Illinois, qui travaillait sur un médicament contre la fièvre, posa sa cigarette sur sa paillasse… en la remettant à la bouche il réalisa qu’elle avait un goût très sucré.

Une cigarette allumée dans un labo de chimie et la remettre à la bouche… mon corps palpite rien qu’en imaginant oser faire une chose pareil !

La sucralose C12H19Cl3O8 Sucralose.svg

De loin mon préféré !

En 1976 un étudiant indien a suivi son protocole expérimental un peu trop à la lettre… Alors qu’il travaillait sur des insecticides, il confondit les terme test et taste (« goûter »), et ni une, ni deux, gouta le produit !

BIG effraction à la consigne 5 ! D’autant plus qu’en 1976 on commençait déjà à bien réglementer la sécurité dans les labos…

Une chance pour eux que ce n’était en fin de compte que des édulcorants.

Alors bien entendu, lorsque l’on sait qu’il n’y a encore pas si longtemps on pipetait à la bouche et que de nombreux produits chimiques étaient décrit en fonction de leur goût, on relativise un peu…

Pour plus d’histoires sur de croustillantes découvertes innopinées, l’Agora des savoirs de Montpellier a reçu le 21 janvier 2015 Sylvie Catellin. Elle y parle de l’importance de la liberté, de l’intuition, de l’interprétation dans les concepts et pratiques scientifiques. Elle est maître de conférence à l’université de Versailles Saint-Quentin. Retrouvez sa conférence en ligne « La sérendipidité ou l’art de la découverte » ici.

La sérendipité

Les trois princes de sérendip

Quel vilain mot… Qui pourtant définit quelque chose de fort intéressant et de souvent drôle !
D’après le dictionnaire Larousse c’est la «  Capacité, art de faire une découverte, scientifique notamment, par hasard» et initialement le terme été décrit par une « sagacité accidentelle ».
C’est donc des découvertes improbables arrivées par hasard.

L’histoire foisonne de découvertes ainsi faites, mais je vous en ai sélectionné quelques unes…

Des algues explosives

vapeurs d'iodeOù trouve–t-on de l’iode sur Terre ? Dans un bon plateau de fruits de mers…[1] donc dans la mer ou l’océan ! Et c’est là qu’il fut découvert pour la première fois en 1811 par Bernard Courtois, et plus précisément dans les algues.

Pourtant, celui-ci ne cherchait pas de nouvel élément chimique et ne faisait même pas de recherche… Je dirais presque au contraire, puisqu’il essayait de produire du salpêtre[2] pour la guerre de Napoléon 1er ! Il fallait en effet remplacer les cendres de bois devenues trop chères par des algues qui foisonnent sur les côtes de Bretagne. C’est en versant l’acide chlorhydrique qu’un nuage de vapeur violet apparut, se condensant en cristaux foncés sur une surface froide. De plus, cette vapeur, aussi jolie soit-elle, était très irritante. (D’où son nom grec qui veut dire ‘violet’) Surpris, le chimiste fit quelques expériences et réalisa qu’il avait probablement découvert un nouvel élément chimique.
Il ne put finir pour autant ses recherches et c’est Gay-Lussac qui nomma cet élément.

Aujourd’hui, l’iode est principalement connu pour son action sur la glande thyroïde puisqu’il participe à la formation de l’hormone thyroxine… mais ça, c’est une autre histoire !

Prochain épisode: la découverte du phosphore dans une « solution »…

[1] 0,005 à 0,04mg dans 100g de coquillages. Et il y en a plus dans les moules que dans les huitres !
[2] Correspond à du nitrate de potassium KNO3. Mélangé à du souffre et du charbon il permettait d’obtenir de la poudre à canon.