Deux pastilles de Mercure trois fois par jour.

livre de Theodore Gray - ATOMES

livre de Theodore Gray – ATOMES

Le mercure, vous le connaissez dans les vieux thermomètres (interdits à la vente en 1998 en France) et les plombages dentaires. Mais autrefois, et il n’y a pas si longtemps que ça (ça dépend du référentiel, mais pour moi 100 ans ce n’est pas très vieux…) il servait de base dans pas mal de remèdes !

 

1- Premières utilisations

Rhazes, savant persan du premier siècle, préconisait déjà le mercure contre les problèmes intestinaux mais également en onguent pour traiter la gale. Sachant que c’est une maladie parasitaire et que le chlorure de mercure devait tout décaper sur son passage… Il est probable que ce remède ait fonctionné.

 

2- Ancêtre de Dulcolax/ d’Hepar

Une des premières utilisations du mercure était le laxatif. Le mercure était alors la solution ! Ou pas…

En réalité, c’était le calomel (c’est à dire du chlorure mercureux Cl2Hg) qui était prescrit. Parfois prescrit en complément des saignées, ce traitement a du tuer plusieurs constipés…
Ce principe du purgatif était aussi utilisé pour traiter la Malaria. A cette époque on pensait que cela venait d’une infection bactérienne intestinale et que seul un lavement pouvait la traiter.

Il semblerait même que le président Georges Washington ait été concerné. article du Monde

Calomel

3- Une petite liqueur et au lit !

Ce n’est pas fini ! Même Mozart aurait été une victime d’un remède mercureux (et non pas assassiné). C’est l’émission Secret d’Histoire qui a fait sa petite enquête et qui nous apprend qu’il prenait de la liqueur de Van Swieten pour avoir plus de forces – Cette liqueur était aussi prescrite comme antisyphilitique. (Mozart appréciant la compagnie des femmes… tout est possible!) Liqueur à base principalement de …mercure !

liqueur calomel

 

4- Mercure à tout faire

Le mercure a été très utilisé, pendant très longtemps (près de cinq siècles), pour une maladie bien spécifique… La Syphilis !

Et oui, car avant que la pénicilline n’arrive( découverte en 1923 elle ne sera accessible que dans les années 1940), on mourrait assez vite de manière assez… sordide, et (hélas) communément de la syphilis.

Face à une réelle épidémie de syphilis en Europe (vive la liberté de mœurs de la renaissance…) on était prêt à tout et dès le 16ème siècle, le mercure était utilisé sous forme d’onguent pour traiter cette maladie.

Parmi les différentes formes d’applications, ils proposaient de frictionner le corps avec l’onguent mercuriel « jusqu’à ce que les dents commencent à s’agacer ». « L’apparition secondaire d’une salivation est considérée comme salutaire et doit évoluer librement. Elle doit en effet permettre l’évacuation du ‘virus vérolique’  » … ou encore en fumigation. Les malades étaient enfermés dans des sortes de sauna au mercure pendant près d’un mois ! Je vous laisse imaginer l’état des malades. Si la syphilis ne les avait pas encore tués, le ‘traitement médical’ devrait finir le travail…

Dernier point, et non des moindres… A cette étape de la lecture vous devez très certainement penser : «Ah c’est couillon, ils ne savaient pas que le mercure était dangereux ! Nigauds, ils ne s’en étaient pas rendus compte !pff… »

Eh ben non. Loin de là ! En réalité le mercure était la base des poisons depuis belle lurette ! Mais pourquoi penser qu’il sauverait ces pauvres diables alors ?

Trois arguments choc s’affrontent :
– Le mercure était mystérieux, tout comme ces maladies à l’époque. Et, c’est bien connu, mystérieux x mystérieux= annulation de la maladie !
– Le mercure est attribué au divin (Dieu mercure) : côté mystique inévitable.
– L’horreur du traitement permet « d’expier le péché de la chair »…

Sinon, je suis assez fière d’avoir réussi à caser dans le même article scientifique la constipation, la gale, les maladies vénériennes, les pustules… qui dit mieux ?

La belle tunique rouge du Mercure

« C’est toujours en effet par une belle couleur que l’alchimiste désigne la substance heureuse, celle qui comble les vœux du travailleur, celle qui met un terme à ses efforts. Le phénomène alchimique ne se donne pas seulement comme la production d’une substance qui fait son apparition, c’est une merveille qui se présente avec tout son apparat. Paracelse calcine le mercure « jusqu’à ce qu’il se manifeste avec sa belle couleur rouge », ou, comme disent d’autres adeptes, avec sa belle tunique rouge. La couleur qui ne serait pas belle serait le signe d’une manipulation inachevée. » terre_masssicotes

–       Gaston Bachelard, La terre et les rêveries du repos, José Corti, 1948 (2004).

Interview : Nicolas Feltin et le mercure

En ce joli mercredi, on vous propose une interview de Nicolas Feltin diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie et Physique de Bordeaux et docteur en physique chimie de la matière condensée. Il dirige le projet du triangle métrologique qui a pour objectif d’exprimer les unités électriques par des constantes fondamentales. Il est aujourd’hui responsable de la plate-forme du LNE de nanocaractérisation métrologique CARMEN. Il est le co-fondateur du Club de nanoMétrologie.

Et pour les curieux qui veulent en savoir un peu plus, voici quelques explications :

Niveau nanométrique: Espace compris globalement entre 1 et 10 nanomètre soit 10^-9 mètres.

Une molécule possède des niveaux énergétiques bien définis. D’après nos amis chimistes, il faut imaginer ça comme un millefeuille !
La première feuille du bas est l’état fondamental, le niveau 0 dit stable.
Les feuilles supérieures sont les niveaux excités.

La crème au milieu correspond au niveau quantique mais est interdite ! Toutes ces bandes interdites et les parties feuilletées constituent la structure de bande. Les électrons ne peuvent passer que d’une bande à l’autre (selon des conditions particulières) et ont besoin d’une certaine énergie pour effectuer ce saut et passer sur la couche supérieure. C’est ce que l’on appel le band gap.
Le glaçage est la dernière bande.

Pour un isolant la valeur du gap est grande : gap >= 4.6eV, pour un semi-conducteur : 0 < gap < 4.6 eV pour un conducteur le gap est très proche voir égale à 0.
Quand on réduit notre élément, ici le mercure, à une échelle plus petite (nanométrique) les niveaux quantiques vont se déplacer légèrement. Etant donné que les propriétés isolantes ou conductrices sont liées à ces valeurs de gap, en changeant d’échelle, les propriétés vont également changer.
C’est pourquoi le mercure, au niveau nanométrique, devient isolant et non plus conducteur.

 Ps: Ce que vous voyez derrière Nicolas Feltin est la salle des collections d’instruments de physique de l’Institut de Botanique.