La philosophie du Zinc

« Le cours polycopié contenait un détail qui m’avait échappé à la première lecture, à savoir que le zinc, si tendre et délicat, si accommodant en présence des acides, qui n’en font qu’une seule bouchée, se comporte en revanche bien différemment lorsqu’il est très pur : alors, il résiste obstinément à l’attaque. De cela on pouvait tirer deux conséquences philosophiques opposées : l’éloge de la pureté, qui protège du mal comme une cuirasse ; l’éloge de l’impureté, qui ouvre la voie aux métamorphoses, c’est-à-dire à la vie. »  

       Primo Levi, Le système périodique, Albin Michel, Paris, 1987.le-systeme-periodique-305263

A chacun son atome

« C’est donc ainsi que chaque élément dit quelque chose à quelqu’un (une chose différente à chacun), comme les vallées et les plages visitées au temps de la jeunesse ; on doit peut-être faire une exception pour le carbone, parce qu’il dit tout à tous, ce qui signifie qu’il n’est pas spécifique, de la même façon qu’Adam n’est point un ancêtre spécifique, à moins qu’on ne retrouve aujourd’hui (pourquoi pas ?) le chimiste-stylite qui a consacré sa vie au graphite ou au diamant. Et cependant, envers le diamant justement, j’ai une vieille dette, contractée en des jours décisifs pour moi. C’est vers le carbone, élément de la vie, que se tournait mon premier rêve littéraire, un rêve insistant, à une heure et en un lieu où ma vie ne valait pas grand-chose : oui, je voulais raconter l’histoire d’un atome de carbone. »
– Primo Levi, Le système périodique, Albin Michel, Paris, 1987, page 244.